Hey !
Aujourd’hui est le tout premier jour du challenge Instagram « Folktale Week ». Le but de celui-ci est simple : nous avons un thème par jour, pendant une semaine, et devons l’illustrer, soit avec un conte déjà écrit, soit avec une de nos propres histoires. 
Le tout premier thème est « naissance ». J’ai donc fait le choix d’illustrer ce thème avec un conte assez méconnu, mais que j’affectionne tout particulièrement : Le conte du Tsar Saltan. Mais ! Comme j’aime me casser la tête et être jusqu’au boutiste : j’ai décidé, pour chaque thème que je pourrai faire, de faire un petit billet spécial sur ce blog de mon site internet. Ainsi, à chaque thème, je présenterai rapidement le conte, pourquoi il m’a inspiré ce thème, et retranscrirai le conte pour que vous puissiez le découvrir en intégralité (et ça me donnera aussi un bon coup de pied aux fesses pour enfin remettre à neuf mon site internet dans les prochaines semaines (ou mois, kofkof)
Pourquoi ce conte ?
Le thème du jour est naissance, et s’il est une naissance de conte de fées qui m’avait marquée enfant, c’est celle tragique du Prince Gvidon. À peine né, il est, par de nombreuses manigances, jeté dans un tonneau avec sa jeune mère et tous deux jetés en pleine mer, destinés à une mort certaine. Par un coup du destin, leur vie est sauve, et des miracles commencent à apparaître et les aider.
Informations générales :
Le Conte du tsar Saltan, de son fils, glorieux et puissant preux le prince Gvidon Saltanovitch et de la très-belle princesse-cygne, écrit par Alexandre Pouchkine en 1831. (Litt. Сказка о царе Салтане)
Boîte à vocabulaire (déformation professionnelle sorry) :
Tsar (féminin : Tsarine) : Empereur de Russie
Bogatyr : nom d'un soldat russe héroïque 
Boïar : Aristocrates, souvent conseillers d'un Tsar
Le conte
Trois jeunes filles, à leur fenêtre, filaient un soir, tardivement.
— Si j’étais Tsarine, dit l’une, à moi seule je préparerais un festin pour le monde entier.
— Si j’étais Tsarine, dit sa sœur, à moi seule je tisserais une toile fine pour le monde entier.
— Si j’étais Tsarine, dit la troisième sœur, j’enfanterais un Bogatyr pour notre père le Tsar.
À peine eut-elle le temps de prononcer ces mots que la porte grinça doucement sur ses gonds et que dans la chambre entra le Tsar, souverain de la contrée. Il s’était tenu caché, durant toute la conversation, derrière le mur. En tout, les paroles de la dernière lui avaient plu.
— Bonjour, belle jeune fille ! dit-il. Sois Tsarine, enfante un Bogatyr pour moi, à la fin de septembre. Et vous, chères sœurs, sortez de la chambre. Partez à ma suite et à celle de votre sœur. Que l’une soit filandière et l’autre cuisinière.
Le Tsar sortit dans l’antichambre. En hâte, tous partirent vers le palais. Le Tsar, sans longs préparatifs, se maria le soir même.
Le Tsar Saltan et la jeune Tsarine présidèrent au festin d’honneur, puis les invités mirent les jeunes époux sur un lit d’ivoire et les laissèrent seuls.
La cuisinière rage dans sa cuisine. La filandière pleure devant son métier. Toutes deux jalousent la femme du souverain.
La jeune Tsarine, selon sa promesse, conçut cette nuit même.
On était en guerre en ce temps-là. Le Tsar Saltan dit adieu à sa femme ; montant sur son bon cheval, il lui enjoignit de bien se garder par fidélité d’amour.
Cependant qu’au loin il combat longuement et âprement, le temps approche de l’accouchement. Dieu leur donne un fils, long d’une aune. Comme une aigle sur son aiglon, la Tsarine veille sur son fils. Elle envoie au Tsar un messager portant une lettre annonçant la grande joie.
Mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, veulent perdre la Tsarine. Elles ordonnent d’arrêter le messager. Elles en envoient un autre, portant ceci, mot pour mot :
— Cette nuit, la Tsarine ne mit au monde ni un fils, ni une fille, ni une souris, ni une grenouille, mais un petit animal inconnu.
Quand le Tsar entendit ce que lui rapportait le messager, dans sa colère il vit rouge et voulut le faire pendre ; mais s’adoucissant pour cette fois, il lui donna l’ordre suivant :
— Que l’on attende le retour du Tsar pour décider légalement de l’affaire.
Le messager part avec la lettre.
Il arrive enfin ; mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ordonnent de le dépouiller. On le fait boire jusqu’à ce qu’il tombe ivre-mort et dans sa giberne on glisse une autre lettre.
Ce jour-là, le messager ivre apporte l’ordre suivant :
— Le Tsar ordonne à ses boïars de jeter dans l’abîme des eaux, en secret et sans perdre de temps, la Tsarine et son enfant.
Il n’y avait pas à hésiter. Les boïars, après s’être affligés sur le sort de l’empereur et de la jeune Tsarine, entrèrent en foule dans sa chambre. Ils proclamèrent la volonté du Tsar, quel mauvais destin la frappait, elle et son fils, et lurent l’ordre à haute voix. Et l’on mit aussitôt la Tsarine et son fils dans un tonneau que l’on goudronna, que l’on roula et que l’on jeta dans l’Océan.
Ainsi l’ordonna le Tsar Saltan.
Les étoiles scintillent au ciel bleu. Les vagues se jouent sur la mer bleue. Un nuage glisse dans le ciel. Le tonneau flotte sur la mer.
Telle une veuve inconsolable, la Tsarine pleure et se débat.
Cependant l’enfant grandit, non de jour en jour, mais d’heure en heure.
Un jour passe. La Tsarine se lamente. L’enfant presse la vague :
— Vague, ô ma vague ! tu es libre et vagabonde, tu dé- ferles à ton gré. Tu aiguises les pierres de la mer, tu inones les rivages, tu soulèves les vaisseaux. N’abandonne pas nos âmes, jette-nous sur la terre ferme.
La vague obéit aussitôt. Elle poussa le tonneau vers une grève et se retira doucement. La mère et son petit sont sauvés. Elle sent la terre sous elle. Mais qui les sortira du tonneau ? Dieu les délaissera- t-il ?
L’enfant se dresse sur ses petits pieds. Il appuie la tête contre le fond. Il pousse de toutes ses forces.
— Comment, dit-il, percer ici une fenêtre sur le dehors ? Il défonce le tonneau et sort.
La mère et le fils sont maintenant en liberté. Ils voient une colline s’élever au milieu d’une vaste prairie, la mer bleue est à l’entour et sur la colline pousse un chêne au vert feuillage.
Le fils pense, toutefois, qu’un bon dîner leur serait nécessaire. Il casse une branche du chêne et la plie en un arc rigide. Il prend le cordon de soie de sa croix baptismale, la tend sur l’arc de chêne, cueille une mince baguette, la taille en fléchette légère, et s’en va chercher du gibier, au bord du vallon, près de la mer.
À peine s’est-il approché de la mer qu’il perçoit comme une plainte... Sans doute la mer est-elle agitée ? Il regarde... Mauvaise affaire ! Un cygne se débat parmi les crêtes des vagues. Un vautour plane au-dessus de lui. Le malheureux frappe l’eau de ses ailes, la trouble, la fait bouillonner. Le vautour a déjà sorti ses griffes, il a tendu son bec sanglant...
À ce moment une flèche chante et se fiche au cou du vautour. Dans la mer le sang se répand.
Le Tsarévitch baisse son arc et regarde. Dans la mer, le vautour s’enfonce. Il se plaint d’un cri, qui n’est pas d’un vautour. À ses côtés nage le cygne. Il hâte à coups de bec sa mort toute proche. Il le frappe de l’aile. Dans la mer, il le noie.
En langue russe, il dit ensuite au Tsarévitch :
— Tsarévitch, mon sauveur, mon puissant libérateur, ne te chagrine pas si, par ma faute, tu restes trois jours sans manger ; si, par ma faute, la flèche s’est perdue dans la mer. C’est un malheur et ce n’en est pas un. Plus tard je te récompenserai, je te rendrai service.
« Ce n’est pas un cygne que tu as délivré, c’est une jeune vierge que tu as laissée parmi les vivants. Ce n’est pas un vautour que tu as tué, c’est un magicien que tu as mis à mort. Jamais je ne t’oublierai. Tu me trouveras partout. Et maintenant va, ne te chagrine pas et couche-toi. »
Le cygne s’envole. Le Tsarévitch et la Tsarine, après avoir passé tout le jour à jeun, se décident à se coucher ainsi.
Voici que le Tsarévitch ouvre les yeux et chasse les rêves de la nuit. Émerveillé, il voit devant lui une grande ville. Par delà de blanches murailles aux créneaux rapprochés, brillent les coupoles des églises et des saints monastères.
Il réveille bien vite la Tsarine. Celle-ci s’exclame :
— Aurais-je deviné ? dit-il. Je crois que c’est mon cygne qui se divertit.
La mère et le fils se dirigent vers la ville. À peine ont-ils franchi l’enceinte que s’élève de tous côtés un carillon étourdissant La foule se porte en masse au-devant d’eux. Le chœur chante à l’église les louanges de Dieu. En car- rosses dorés, une cour somptueuse vint à leur rencontre. Tous leur rendent grand honneur. Ils couronnent le Tsarévitch d’un chapeau de prince. Ils le proclament souverain. Au sein de sa capitale, du consentement de la Tsarine, dès ce jour il règne sous le nom de prince Gvidon.
Le vent se joue sur la mer et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots. Les navigateurs étonnés se réunissent sur le pont.
Sur l’île bien connue, ils voient une merveille : une ville nouvelle aux coupoles dorées, un fort avec une puissante muraille. Au fort, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster. Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidon les invite chez lui. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :
— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? et où vous dirigez-vous maintenant ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru la mer en entier. Nous avons fait le commerce des zibelines et des renards noirs. L’heure est maintenant venue pour nous de nous en re- tourner droit vers l’Orient, par le large de l’île de Bouïane, dans l’empire de l’illustre Tsar Saltan.
Le prince leur dit alors :
— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tsar Saltan. Saluez-le de ma part.
Les marchands se remettent en route. Du rivage, le prince Gvidon, tout mélancolique, les regarde s’éloigner.
Voici que tout à coup, sur les eaux mouvantes, un cygne blanc apparaît.
— Bonjour, mon beau prince, dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?
Et tristement le prince lui répond :
— Un chagrin amer me ronge, il a brisé ma force. Je voudrais voir mon père.
— C’est ce qui te tourmente ? réplique le cygne au prince. Eh bien, écoute. Veux-tu t’envoler par-dessus la mer à la suite du navire ? Sois donc, prince, un moustique.
Et il bat des ailes, fait jaillir l’eau avec bruit, en éclabousse le prince des pieds à la tête. Celui-ci se rapetisse aussitôt jusqu’à ne plus être qu’un point, il se transforme en moustique et s’envole en susurrant. Il rattrape le navire en mer et s’y pose légèrement.
Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltan. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.
Les marchands descendent à terre. Le Tsar Saltan les invite chez lui. À leur suite, notre audacieux pénètre dans le palais.
Tout resplendissant d’or, la couronne sur la tête et une pensée mélancolique sur le visage, le Tsar Saltan est assis sur son trône.
La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, sont assises auprès du Tsar Saltan et le regardent dans les yeux. Le Tsar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :
— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? Et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru le monde entier. Il fait assez bon vivre par delà les mers. Et voici quelle merveille il y a de par le monde : Il y avait en mer une île abrupte, inhospitalière, inhabitée. Elle s’étendait en plaine déserte. Un seul chêne croissait sur elle. Et maintenant on y voit une ville nouvelle, avec un palais, des églises aux coupoles dorées, des palais et des jardins. Le prince Gvidon y règne. Il t’envoie son salut.
Le Tsar Saltan, émerveillé, murmure :
— Si je vis encore, j’irai vers l’île merveilleuse et rendrai visite à Gvidon.
Mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ne veulent pas le laisser aller visiter l’île merveilleuse.
— Peuh ! quelle rareté, vraiment ! dit la cuisinière, en clignant malicieusement de l’œil aux deux autres. Une ville s’élève au bord de la mer ! Savez-vous, voici qui n’est pas une bagatelle : Un sapin se dresse dans une forêt. Au-dessous, un écureuil apprivoisé chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. Voilà ce qu’on appelle une merveille !
Le Tsar Saltan s’étonne du prodige. Le moustique rage, rage... Il se pose sur l’œil droit de sa tante et la pique. La cuisinière pâlit, s’évanouit et devient borgne. Les serviteurs, la vieille mère et la sœur, à grands cris, cherchent à saisir le moustique.
— Maudite bestiole ! sors-tu ?... Mais lui, par la fenêtre, s’envole tout tranquillement dans son apanage par delà les mers.
Le prince marche à nouveau le long de la mer. Il ne dé- tache pas les yeux de la mer bleue. Voici que sur les eaux mouvantes apparaît le cygne blanc.
— Bonjour, mon beau prince, lui dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?
Et le prince Gvidon de répondre :
— Un chagrin amer me ronge. Je voudrais posséder une merveille étonnante. Quelque part dans une forêt se dresse un sapin. Sous lui est un écureuil, une merveille vraiment, et non une bagatelle ! Cet écureuil chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes à coques d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. Mais peut-être n’est- ce qu’un mensonge.
Le cygne répond au prince :
— Ce que l’on conte de l’écureuil est vrai. Je connais cette merveille. Allons, mon prince, ma chère âme, ne te chagrine pas. Je suis heureux de pouvoir te rendre ce service en gage d’amitié.
L’âme réconfortée, le prince rentre chez lui. À peine s’est-il avancé dans la vaste cour qu’il aperçoit, sous un haut sapin, un écureuil qui, devant tous, casse de ses dents une noisette d’or, en retire l’émeraude, ramasse les coques, les range en petits tas réguliers et chante en sifflotant :
— Est-ce dans un jardin ou dans un potager...
Le prince Gvidon s’étonne.
— Merci, murmure-t-il. Eh ! quel écureuil ! Dieu lui donne, ainsi qu’à moi, de la gaieté au cœur !
Par la suite, le prince fit construire pour l’écureuil une maison de cristal, mit une garde à l’entour, et chargea un secrétaire de tenir un compte exact des noisettes. Grand profit pour le prince, tout honneur pour l’écureuil.
Le vent se joue sur la mer et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots, au large de l’île abrupte, au large de la grande ville. Au port, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster. Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidon les invite chez lui. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :
— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? et où vous dirigez-vous maintenant ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru le monde entier. Nous avons fait le commerce des chevaux, uniquement des poulains du Don. L’heure est maintenant venue pour nous de nous en retourner par le large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltan. Devant nous s’étend une longue route !
Le prince leur dit alors :
— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tsar Saltan. Et dites-lui que le prince Gvidon lui envoie son salut.
Les marchands quittèrent le prince, sortirent, et reprirent leur voyage.
Le prince se dirige vers la mer. Sur les vagues, déjà, le cygne se joue.
— Mon âme est attirée, elle est emportée, dit le prince.
Et de nouveau, en un instant, il l’éclabousse tout entier. Le prince se transforme en mouche. Il s’envole et, sur le navire, entre le ciel et la mer, il se pose. Il se blottit dans une fente.
Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltan. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.
Les marchands descendent à terre. Le Tsar Saltan les invite chez lui. À leur suite, notre audacieux pénètre dans le palais. Tout resplendissant d’or, la couronne sur la tête, et une pensée mélancolique sur le visage, le Tsar Saltan est assis sur son trône. La filandière et Babarikla, ainsi que la cuisinière, sont assises auprès du Tsar Saltan et semblent de méchants crapauds. Le Tsar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :
— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? Et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru le monde entier. Il fait assez bon vivre par delà les mers. Et voici quelle merveille il y a de par le monde. Une île s’étend sur la mer, une ville se dresse sur cette île, avec des églises aux Coupoles dorées, des palais et des jardins. Un sapin croît devant le palais. Sous lui s’érige une maison de cristal. Là, vit un écureuil apprivoisé. Quel espiègle ! Il chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes à coques d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. Des serviteurs veillent sur l’écureuil, le servent de toutes façons. Un secrétaire de chancellerie lui est préposé, avec l’ordre de tenir un compte exact des noisettes. L’armée rend les honneurs à l’écureuil. Les coques sont coulées en pièces de monnaie que l’on met en circulation par tout l’univers. Des jeunes filles mettent les émeraudes en lieu sûr dans des celliers. Tous sont riches dans cette île. Plus d’isbas, mais partout des palais. Le prince Gvidon y règne. Il t’envoie son salut.
Le Tsar Saltan s’étonne du prodige.
— Si je vis encore, dit-il, j’irai voir l’île merveilleuse et rendrai visite à Gvidon.
Mais la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ne veulent pas le laisser aller visiter l’île merveilleuse.
S’esclaffant sous cape, la filandière dit au Tsar :
— Qu’y a-t-il de merveilleux là dedans ? Voyons ! un écureuil grignote de petites pierres, jette de l’or et amoncelle des émeraudes. Il faut plus que cela pour nous étonner. Que ceci soit vrai ou faux, il est au monde une autre merveille: La mer se soulève houleuse, bouillonne, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, et apparaissent sur la grève, tout cou- verts d’écailles, étincelants comme le feu, trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux. C’est une vraie merveille, on peut le dire en toute justice.
Sages, les marchands se taisent ; ils ne veulent pas discuter avec elle.
Le Tsar Saltan s’émerveille. Gvidon rage, rage... Il bourdonne et se pose sur l’œil gauche de sa tante, et la filandière blêmit.
— Aie ! et aussitôt elle devient borgne. Tous clament :
— Attrape! attrape! écrase-la! écrase-la!... Attends un peu, attends...
Mais le prince, par la fenêtre, s’envole tout tranquillement dans son apanage, par delà les mers. Le prince marche le long de la mer bleue. Il ne détache pas les yeux de la mer bleue. Voici que sur les eaux mouvantes apparaît le cygne blanc.
— Bonjour, mon beau prince, lui dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?
Et le prince Gvidon de répondre :
— Un chagrin amer me ronge, je voudrais avoir dans mon apanage une merveille étonnante.
— Et quelle est cette merveille ?
— Où l’Océan se soulève houleux, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, apparaissent sur la grève, tout couverts d’écailles, étincellants comme le feu, trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux.
— C’est ce qui te tourmente ? réplique le cygne au prince. Ne te chagrine pas, mon âme. Je connais cette merveille. Ces chevaliers de la mer, mais ce sont mes propres frères. Ne t’attriste pas. Va, attends leur visite.
Oubliant son chagrin, le prince s’en alla, s’assit sur le haut d’une tour et se mit à contempler la mer. Tout à coup, la mer se soulève houleuse, se brise dans sa course fougueuse et laisse sur la grève trente-trois bogatyrs, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu. Ils s’avancent deux par deux. Tchernomore aux cheveux d’un gris d’argent marche en avant et les mène vers la ville.
Le prince Gvidon descend précipitamment de la tour, il marche à la rencontre de ses chers invités. Le peuple accourt en hâte. Tchernomore dit au prince :
— Le Cygne nous envoie vers toi et nous donne l’ordre exprès de veiller sur ton illustre ville et de monter la garde à l’entour. Tous les jours, désormais, sous tes hautes murailles, nous sortirons ensemble de l’onde marine. Ainsi nous nous reverrons bientôt. Il est temps pour nous de nous en retourner dans la mer. L’air de la terre nous est lourd.
Tous se retirèrent ensuite chez eux.
Le vent se joue sur la mer et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots, au large de l’île abrupte, au large de la grande ville. Au port, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster.
Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidon les invite chez lui. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :
— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? Et où vous dirigez-vous maintenant ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru le monde entier. Nous avons fait le commerce de l’acier de Damas, de l’argent pur et de l’or. L’heure est maintenant venue pour nous de nous en retourner par le large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltan. Devant nous s’étend une longue route !
Le prince leur dit alors :
— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tsar Saltan, et dites-lui que le prince Gvidon lui envoie son salut.
Les marchands quittèrent le prince, sortirent et reprirent leur voyage.
Le prince se dirige vers la mer. Sur les vagues, déjà, le cygne se joue ; le prince lui dit encore :
— Mon âme est attirée, elle est emportée...
Encore en un clin d’œil, il l’éclabousse tout entier. Le prince aussitôt devient petit, petit... Il se transforme en bourdon et, bourdonnant, s’envole. Il rattrape le navire en mer, et se pose doucement sur sa poupe. Il se blottit dans une fente.
Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltan. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.
Les marchands descendent à terre. Le Tsar Saltan les invite chez lui. À leur suite, notre audacieux pénètre dans le palais.
Tout resplendissant d’or, la couronne sur la tête et une pensée mélancolique sur le visage, le Tsar Saltan est assis sur son trône.
La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, sont assises auprès du Tzar et le regardent de tous leurs yeux.
Le Tsar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :
— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru le monde entier. Il fait assez bon vivre par delà les mers. Et voici quelle merveille il y a de par le monde : Une île s’étend sur la mer, une ville se dresse sur cette île et tous les jours il s’y passe ce prodige : la mer se soulève houleuse, bouillonne, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, et restent sur le rivage trente-trois bogatyrs, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur vieux gouverneur Tchernomore sort avec eux de la mer, il les fait avancer deux par deux, pour veiller sur l’île et monter la garde à l’entour. Il n’est pas de garde plus sûre, ni plus courageuse, ni plus vigilante. Le prince Gvidon règne là-bas. Il t’envoie son salut.
Le Tsar Saltan s’étonne du prodige.
— Si je vis encore, dit-il, j’irai voir l’île merveilleuse et rendrai visite à Gvidon.
La cuisinière et la filandière ne soufflent mot.
Mais Babarikla s’esclaffe :
— Qui nous étonnera avec ça ? dit-elle. Des hommes sortent de la mer. Ils errent en montant la garde ! Que ce soit vrai ou faux, je ne vois là rien d’extraordinaire. De ces merveilles le monde est plein ! En toute vérité, voici ce que l’on raconte : Il est, par delà les mers, une princesse si belle que l’on ne peut en détacher les yeux. Le jour, elle éclipse la lumière de Dieu. La nuit, elle éclaire la terre. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle-même s’avance, majestueuse ; sa démarche est celle d’une paonne. Ses paroles coulent comme le murmure d’un ruisseau. On peut dire en toute justice que c’est là une vraie merveille.
Sages, les marchands se taisent ; ils ne veulent pas discuter avec la vieille femme. Le Tsar Saltan s’émerveille. Le Tsarévitch, malgré sa colère, a pitié des yeux de sa vieille grand-mère.
Il tourne en bourdonnant autour d’elle, se pose droit sur son nez, et le pique ; une cloque surgit sur le nez.
Et de nouveau l’alarme jetée :
— Au secours, au nom de Dieu ! À la garde ! Attrape, Attrape ! écrase-le, écrase-le... Attends un peu, attends !...
Mais le bourdon, par la fenêtre, s’envole tout tranquillement dans son apanage par delà les mers.
Le prince marche le long de la mer bleue. Il ne détache pas les yeux de la mer bleue.
Voici que sur les eaux mouvantes apparaît le cygne blanc.
— Bonjour, mon beau prince, lui dit-il. Pourquoi es-tu silencieux comme un jour de malheur ? De quoi te chagrines-tu ?
Et le prince Gvidon de répondre :
— Un chagrin amer me ronge. Tous les hommes sont mariés. Je vois que moi seul je ne le suis pas.
— Et qui désires-tu ?
— Il y a, dit-on, de par le monde, une princesse si belle que l’on ne peut en détacher les yeux. Le jour, elle éclipse la lumière de Dieu. La nuit, elle éclaire la terre. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle-même s’avance majestueuse, sa démarche est celle d’une paonne. Ses paroles coulent comme le murmure d’un ruisseau. Mais quelle est la vérité ?
Le prince attend la réponse avec anxiété. Le cygne blanc se tait. Il réfléchit et dit :
— Oui ! Il est une telle jeune fille. Mais une femme n’est pas un gant. On ne peut la secouer de sa blanche main, on ne la passe pas dans sa ceinture. Je te donnerai ce conseil : réfléchis à tout ceci de peur de te repentir ensuite.
Le prince lui jure qu’il est temps pour lui de se marier, qu’il a déjà réfléchi à tout cela, et que, d’un cœur passionné, il est prêt à partir à la recherche de la belle princesse jusque dans la vingt-septième contrée.
Poussant un profond soupir, le cygne dit alors :
— Pourquoi si loin ? Sache que ta destinée est proche. Car cette princesse, c’est moi.
Puis il battit des ailes, s’envola au-dessus des vagues et du haut des airs descendit dans les buissons. Là, il secoua ses ailes et se transforma en princesse. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle s’avance majestueuse. Sa démarche est celle d’une paonne. Ses paroles coulent comme le murmure d’un ruisseau.
Le prince embrasse la princesse, il la serre sur sa blanche poitrine. Bien vite il la mène auprès de sa mère. Il se jette à ses pieds et l’implore :
— Ô ma mère! Pour moi, j’ai choisi une femme; pour toi, une fille obéissante. Nous te prions tous deux de nous donner ton consentement et ta bénédiction. Bénis tes enfants, qu’ils vivent dans l’union et dans l’amour.
Sur leurs têtes soumises, la mère tient une icône miraculeuse. Elle pleure et leur dit :
— Dieu vous récompensera, mes enfants !
Sans faire de longs préparatifs, le prince épousa la princesse ; et ils se mirent à vivre au fil des jours dans l’attente d’un enfant.
Le vent se joue sur la mer, et pousse le navire. Toutes voiles dehors, il s’élance dans les flots, au large de l’île abrupte au large de la grande ville. Au port, les canons tonnent, ordonnant au navire d’accoster.
Les marchands abordent à la muraille. Le prince Gvidon les invite. Il leur donne à manger, à boire, et leur ordonne de répondre à ses questions :
— De quoi trafiquez-vous, ô marchands ? Et où vous dirigez-vous maintenant ?
Les navigateurs de répondre :
— Nous avons parcouru le monde entier. Nous nous en retournons chez nous, vers l’Orient, par le large de l’île de Bouïane, dans l’empire de l’illustre Saltan. Devant nous s’étend une longue route.
Le prince leur dit alors :
— Bon voyage, messires, par les mers et par les océans, jusque chez l’illustre Tsar Saltan. Et rappelez à votre empereur qu’il a promis de venir me rendre visite. Jusqu’à présent il n’est pas encore venu. Je lui envoie mon salut.
Les navigateurs reprirent leur voyage. Cette fois, le prince Gvidon resta chez lui, il ne quitta pas sa femme.
Le vent souffle joyeusement. Le navire file gaiement, au large de l’île de Bouïane, vers l’empire de l’illustre Saltan. Et déjà l’on aperçoit au loin la contrée désirée.
Les marchands descendent à terre. Le Tsar Saltan les invite chez lui.
Dans son palais, le Tsar Saltan trône, la couronne sur la tête. La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla sont assises auprès du Tsar et regardent de tous leurs yeux.
Le Tsar fait asseoir les marchands à sa table et leur demande :
— Et vous, messires les marchands, avez-vous voyagé longtemps ? Fait-il bon vivre par delà les mers, ou non ? et quelle merveille y a-t-il de par le monde ?
Les navigateurs de répondre :
— Une île s’étend sur la mer, une ville se dresse sur cette île, avec des églises aux coupoles dorées, des palais et des jardins. Un sapin croît devant le palais. Sous lui s’érige une maison de cristal. Là, vit un écureuil apprivoisé. Quel espiègle ! Il chantonne. Il casse des noisettes avec ses dents, non des noisettes ordinaires, mais des noisettes à coques d’or et dont les amandes sont de pures émeraudes. On chérit l’écureuil, on le dorlote.
— Il est là-bas encore une autre merveille. La mer se soulève houleuse, bouillonne, hurle, déferle sur une grève déserte, se brise dans sa course fougueuse, et apparaissent sur la grève, tout couverts d’écailles, étincelants comme le feu, trente-trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux. Il n’est pas de garde plus sûre, ni plus courageuse, ni plus vigilante.
— Le prince a une femme si belle que l’on ne peut en détacher les yeux. Le jour, elle éclipse la lumière de Dieu. La nuit, elle éclaire la terre. Un croissant de lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Le prince Gvidon gouverne cette ville. Tous le louent hautement. Il t’envoie son salut. Il te reproche d’avoir promis de venir le voir et de ne pas l’avoir fait encore.
Le Tsar Saltan n’y peut plus tenir. Il ordonne d’armer une flotte.
La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, ne veulent pas le laisser aller visiter l’île merveilleuse. Mais Saltan ne les écoute pas. Il les fait taire.
— Qui suis-je ? Un Tsar ou un enfant ? dit-il, et non pour plaisanter. Je partirai ce soir.
Puis il tapa des pieds et sortit en claquant des portes.
Le prince Gvidon est assis à la fenêtre. En silence il contemple la mer. Elle ne bruit ni ne déferle, elle tressaille à peine. Dans les lointains azurés apparaissent des navires. Sur les plaines de l’Océan glisse la flotte du Tsar Saltan Le prince Gvidon sursaute alors, il s’écrie à haute voix :
— Ma mère ! Ma jeune princesse ! Regardez là-bas ! Mon père vient ici !
La flotte approche déjà de l’île. Le prince Gvidon prend sa lunette d’approche : le Tsar Saltan se tient sur le pont et le regarde avec une lunette. La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, sont avec lui ; elles s’étonnent à la vue de cette contrée nouvelle. Les canons tonnent à l’unisson. Les carillons s’ébranlent dans toutes les églises...
Gvidon lui-même se rend au bord de la mer. Il y rencontre le Tsar, la filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla. Il les mène vers la ville sans mot dire.
Tous se rendent maintenant au palais. À la porte, des cuirasses étincellent. Devant le Tsar se tiennent trente- trois bogatyrs, tous jeunes, beaux, vaillants, gigantesques, d’une stature identique. Leur gouverneur Tchernomore est avec eux.
Le Tsar s’avance dans la vaste cour. Là, sous un haut sapin, un écureuil chantonne. De ses dents il casse une noisette d’or, en retire l’émeraude et la glisse dans un petit sac. Toute la vaste cour est parsemée de coques d’or.
Les invités approchent. Ils se hâtent de regarder. Et que voient-ils ? Une merveilleuse princesse est devant eux. Une lune brille sous sa tresse. Une étoile resplendit sur son front. Elle-même s’avance, majestueuse ; sa démarche est celle d’une paonne.
Elle mène sa belle-mère. Le Tsar regarde — et reconnaît... Son cœur saute de joie !
— Que vois-je ? Qu’est-ce ? Comment ? et son souffle se suspend.
Le Tsar éclate en sanglots. Il serre dans ses bras la Tsarine, son fils et la jeune femme.
Tous prennent place à table et un joyeux festin commence.
La filandière et la cuisinière, ainsi que la vieille mère Babarikla, se cachèrent dans les coins. À grand-peine on les y trouva.
Alors, elles avouèrent toute la vérité, s’accusèrent, se mirent à sangloter. Vu la grande joie, le Tsar les laissa toutes trois s’en retourner chez elles.
Le jour prit fin. On coucha le Tsar Saltan à demi saoul.
J’y étais. Je bus l’hydromel et la bière, mais je ne fis qu’y tremper mes moustaches.


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